Ouverte en 1867, la maison d'arrêt a été construite au coeur du centre-ville de Nantes pour répondre à la logique de la société de l'époque. Le palais de justice (en passe de devenir l'hôtel de luxe Radisson), sous Bonaparte, est le premier édifice à être construit en 1852. Puis, c'est la caserne de gendarmerie Lafayette, voisine en 1865. Les mêmes pierres ont été réutilisées pour ces trois bâtiments. Un souterrain reliant la prison au palais de justice était emprunté par les détenus pour être jugés.
En 1994, 60 détenus refusent de regagner leur cellule après la promenade. Motif de la mutinerie : la surpopulation, invivable. Trois à quatre détenus s'entassent alors dans des cellules de 9 m2.
En 2004, il y a 350 détenus pour 291 places. En 2011, les syndicats dénoncent une « cocotte-minute ». Avec des cellules de sept détenus dans 12 m2.
« Rester toute sa vie en prison ? La seule voie, c'est l'évasion... », racontait, lors de son procès, Karim Tahir. Un dimanche matin, le 7mai 2000, ce braqueur professionnel et spécialiste de la
cavale, réussit avec des draps, une lame de scie sauteuse et un morceau de lame de cutter à s'évader de ce qu'il appelle « un enfer ». Le fuyard de 28 ans se glisse par la fenêtre de sa cellule
dont le barreau est desserti. Parvenu sur le toit, il franchit le chemin de ronde et le mur d'enceinte malgré les tirs du gardien du mirador. Il s'engouffre dans une impasse, entre dans une
maison et s'empare d'un couteau dans la cuisine. Commence alors la prise d'otage d'une famille avec deux enfants. Il contraint tout le monde à embarquer dans la voiture familiale. Près de Vichy,
il relâchera ses otages
La maison d'arrêt a connu d'autres évasions ou tentatives par la fenêtre, le plafond, par découpe de la serrure ou par prise d'otage. On pense à cette histoire rocambolesque de pistolet taillé
dans un savon, utilisé par trois détenus tentant de se faire la belle, en octobre 2000. Ils avaient aussi décoré un pot de moutarde pour faire croire à une grenade. Et c'est avec une scie à
métaux que deux jeunes détenus se sont évadés une nuit de janvier 1993. Ils avaient scié les barreaux de leur cellule et franchi les murs à l'aide de draps et d'une poutrelle d'acier. Leur
disparition n'avait été découverte qu'au petit matin. Quatre mois après, deux autres fuyards avaient réussi leur coup, cette fois, avec des outils de mécanique provenant de l'atelier de
formation.
Depuis 2008, à plusieurs reprises, l'État a été condamné pour les conditions indignes dans lesquelles il emprisonne ici à Nantes, mais aussi à Caen, Rouen, Nanterre. Les détenus saisissent le
tribunal administratif et obtiennent des indemnités. Les arguments invoqués par les avocats sont les difficultés lourdes d'hygiène, liées à la surpopulation et la vétusté : les odeurs, le manque
de lumière naturelle, la promiscuité, l'impossible circulation de l'air... En octobre 2011, neuf détenus et ex-détenus ont reçu des indemnités de 1500 à 2500 € pour avoir vécu dans des conditions
dégradantes.
Il fallait à tout prix fermer cette maison d'arrêt. Annoncée par Marylise Lebranchu, ministre de la justice en 2001, la nouvelle prison est sortie de terre dix ans plus tard, sur le terrain du
Bêle, près de Carquefou. Le chantier a subi un important retard, les travaux ayant été stoppés pendant près d'un an, de 2008 à 2009. Des tonnes de munition ont été découvertes par les ouvriers.
Ce terrain de 20 hectares avait pourtant été cédé par... l'armée au ministère de la Justice avec une attestation de non-pollution. Les munitions dataient pour partie de la Seconde Guerre
mondiale. Au total, l'État a dû verser sixmillions d'euros au groupe Bouygues au titre du déminage du terrain.
Texte de Marylise COURAUD et Vanessa RIPOCHE pour Ouest France